À propos
Intime et rugissante, jamais plus profonde que dans l’apparente banalité du sujet, secrète et clinquante, anarchiste et compulsive, en perpétuel équilibre entre la révolte et le sacré comme put l’être le travail d’un Pasolini, la peinture d’Isabel Pessoa est à la peinture ce que le cri est aux menuets de Lully.
Un expressionnisme violent sourd des aplats outranciers, de la matière glacée de l’informatique et des lignes coupantes. Toute la profondeur du travail se concentre sur ce paradoxe plastique : l’image devient une forme de pudeur. Tout, en sa froide configuration et jusqu’à un autoportrait évoquant L’Origine du monde, ressemble à un déni de l’intime, à une protection, comme si seul le paradoxe fût en capacité de chuchoter par en-dessous l’évidence, sans déranger le secret qui sied aux sentiments les plus profonds.
« La Révolution ? Parlons-en », disait le grand Ferré, et nous nous en tiendrons là, à une parole d’anarchiste, quant aux influences qu’on cherchera à identifier dans sa peinture : peu importent en effet les influences, car Isabel ne les subit pas, elle s’en empare avec l’énergie primitive de l’animal blessé. Raoul Vaneighem et les Situationnistes nous prévenaient-ils des dangers de la « cybernétique » ? Ironique, subversive, Isabel Pessoa détourne l’outil informatique pour en faire son medium esclave et consentant, jusqu’à le contraindre à dénoncer esthétiquement l’univers glacial qu’il nous construit.
Ut pictura poesis. Poète aux rimes acides glanées dans ses blessures, Isabel Pessoa nous déroute et nous change. Regardez, regardez, et n’en sortez pas indemnes.
Thierry Le Gall – Docteur en Histoire de l’art – Aix-Marseille Université
Et fondateur du groupe Facebook Ob Scena